26- Critias, ou l'Atlantide, Ἀτλαντίς, PLATON
Le conflit
 
Avant tout, rappelons-nous qu’en somme il s’est écoulé neuf mille ans depuis la guerre qui, d’après les révélations des prêtres égyptiens, éclata entre les peuples qui habitaient au-dehors par-delà les colonnes d’Héraclès et tous ceux qui habitaient en deçà.
 

Telle était la formidable puissance qui existait alors en cette contrée, et que le dieu assembla et tourna contre notre pays, pour la raison que voici.

Pendant de nombreuses générations, tant que la nature du dieu se fit sentir suffisamment en eux, ils obéirent aux lois et restèrent attachés au principe divin auquel ils étaient apparentés.

Ils n’avaient que des pensées vraies et grandes en tout point, et ils se comportaient avec douceur et sagesse en face de tous les hasards de la vie et à l’égard les uns des autres.

Aussi, n’ayant d’attention qu’à la vertu, faisaient-ils peu de cas de leurs biens et supportaient-ils aisément le fardeau qu’était pour eux la masse de leur or et de leurs autres possessions.

Ils n’étaient pas enivrés par les plaisirs de la richesse et, toujours maîtres d’eux-mêmes, ils ne s’écartaient pas de leur devoir.

Tempérants comme ils étaient, ils voyaient nettement que tous ces biens aussi s’accroissaient par l’affection mutuelle unie à la vertu,

et que, si on s’y attache et les honore, ils périssent eux-mêmes et la vertu avec eux. Tant qu’ils raisonnèrent ainsi et gardèrent leur nature divine, ils virent croître tous les biens dont j’ai parlé.

Mais quand la portion divine qui était en eux s’altéra par son fréquent mélange avec un élément mortel considérable et que le caractère humain prédomina, incapables dès lors de supporter la prospérité, ils se conduisirent indécemment, et à ceux qui savent voir, ils apparurent laids, parce qu’ils perdaient les plus beaux de leurs biens les plus précieux, tandis que ceux qui ne savent pas discerner ce qu’est la vraie vie heureuse les trouvaient justement alors parfaitement beaux et heureux, tout infectés qu’ils étaient d’injustes convoitises et de l’orgueil de dominer.

Alors le dieu des dieux, Zeus, qui règne suivant les lois et qui peut discerner ces sortes de choses, s’apercevant du malheureux état d’une race qui avait été vertueuse, résolut de les châtier pour les rendre plus modérés et plus sages.

A cet effet, il réunit tous les dieux dans leur demeure, la plus précieuse, celle qui, située au centre de tout l’univers, voit tout ce qui participe à la génération, et, les ayant rassemblés, il leur dit : ...

Le manuscrit de Platon finit sur ces mots.

 


illustration Katerina ALIVIZATOU
Cameron.J : Atlantide, la cité perdue,
National Geographic : L'Atlantide se trouvaient-elle en Sardaigne ?